“C’est un miracle que nous nous sommes retrouvées”. Une mère seychelloise retrouve sa fille après 38 ans

Arts & Culture |Author: Salifa Magan, Sharon uranie et Estelle Peron | October 23, 2016, Sunday @ 20:47| 3896 views

Une première photo mère-fille pour Veronica Esparon et Corine Guillon depuis près de 40 ans (Patrick Joubert, Seychelles News Agency)

(Seychelles News Agency) -  Le personnel médical au Liban avait déclaré à Veronica Esparon que sa première fille était morte à la naissance. Mais Esparon a passé les 38 dernières années à croire que sa fille était toujours en vie.

Etonnamment, ces deux dernières se sont retrouvées aux Seychelles cette semaine pour la première fois depuis près de quatre décennies depuis leur séparation à l’hôpital.

Câlins interminables, baisers et larmes de joies ont pu être observés alors que la mère et la fille -- Corine Guillon – s’embrassaient pour la première fois à l’aéroport international des Seychelles.

Esparon qui réside à Foret Noire à la périphérie de la capitale des Seychelles, Victoria, a décrit cette réunion avec son premier enfant comme extraordinaire.

« Je suis remplie de joie et me sens très émue », a déclaré Esparon aux journalistes à l’aéroport mardi, ajoutant qu’elle avait vraiment du se préparer mentalement pour ces retrouvailles.

Guillon a déclaré qu’elle avait rêvé de ce moment pendant des années car elle savait qu’elle avait été adoptée, ajoutant que malgré sa recherche d’informations, on lui avait toujours dit qu’aucune information n’était disponible dans son dossier ».

“Nous avons prié toutes les deux. C’est un miracle que nous nous sommes retrouvées » a déclaré Guillon.

« Je suis remplie d’émotions d’avoir rencontré ma mère et ancêtres. C’est important de savoir d’où l’on vient », a-t-elle déclaré aux journalistes.

Une mère et sa fille réunies après près de quatre décennies. (Patrick Joubert, Seychelles News Agency) License Photo: CC-BY
 Câlins interminables, baisers et larmes de joies ont pu être observés alors que la mère et la fille -- Corine Guillon – s’embrassaient pour la première fois à l’aéroport international des Seychelles. (Salifa Magnan, Seychelles News Agency) License Photo: CC-BY        

L’histoire d’Esparon sur la perte de son enfant

Esparon, 58 ans, a quitté son emploi en tant qu’enseignante aux Seychelles à l’âge de 16 ans, acceptant une opportunité de travail à l’étranger.

Alors qu’elle travaillait pour une famille en Syrie, elle s’est faite abordée par la sœur de son employeur lui proposant un autre emploi à Beirut, au Liban. Elle paraissait avoir le potentiel pour devenir une excellente réceptionniste, car elle parlait anglais et français.

Jean-Claude Uzice, l’un des frères Esparon  qui connait bien l’histoire, a decrit à la SNA « le scénario commun d’une jeune fille, vivant dans un pays étranger. Elle est tombée amoureuse. C’est après cela qu’elle a donné naissance à sa première fille ».

Esparon se rappelle qu’une religieuse allait la chercher pour l’emmener à ses consultations prénatales, une disposition prise par son riche employeur. Pendant sa grossesse, une guerre civile a éclaté au Liban et Esparon se rappelle que le jour de la naissance de sa fille, l’hôpital où elle séjournait a été bombardé.

« Il ne m’ont pas laissé voir mon bébé. J’ai pleuré quand le docteur me l’a retirée. J’ai demandé à la voir, mais en vain » a-t-elle indiqué.

Esparon, alors âgée de 17 ans, a indiqué que le docteur  lui avait dit que son enfant était décédé. « Le docteur m’a dit que j’étais encore jeune et que je pourrais donner naissance à nouveau » a-t-elle indiqué, ajoutant qu’elle pense qu’ils avaient déjà convenu d’un arrangement pour prendre sa fille.

 Corine Guillon photographiée avec son mari Nicolas, ses deux enfants Louis et Noham avec sa mère Veronica. (Salifa Magnan, Seychelles News Agency) License Photo: CC-BY        

Le pressentiment d’une mère que son bébé était toujours en vie

Esparon a déclaré qu’alors qu’elle se rétablissait à l’hôpital du fait de saignements abondants après son accouchement, la guerre persistante a forcé l’hôpital à la déplacer ainsi que les bébés qui se trouvaient au même endroit, dans une maison de retraite pour les prêtres et religieuses âgées, située dans une région montagneuse.  

“J’ai vécu avec les religieuses à cet endroit alors que les bébés étaient dans un autre bâtiment dans le village » a indiqué Esparon à la SNA.

Elle se rappelle à quel point elle était affectée par les pleurs de l’un des bébés et pas les autres, et qu’elle avait été autorisée à voir ce bébé uniquement grâce a une fille syrienne qui s’occupait des petits.

« La fille syrienne a suggéré que nous prenions une photo ensemble comme je donnais habituellement le bain et nourrissait ce bébé. Elle m’a dit : « Tu aimes cet enfant ; je vais prendre une photo de toi avec elle »».

« Quand elle pleurait j’avais l’impression que c’était ma fille » a-t-elle ajouté.

Selon Esparon, un jour on lui a demandé de sortir et de faire des achats et elle se rappelle ne plus jamais avoir entendu le cri du bébé à son retour.

« La fille syrienne m’a rendu visite deux semaines après la naissance de mon bébé et m’a donné la photo, me disant que ce bébé était en fait le mien. C’est à ce moment que j’ai appris la vérité ».

Esparon a indiqué qu’elle était traumatisée et avait le cœur brisé et qu’elle avait même caché l’évènement à sa famille.


Le personnel d’Air Seychelles accompagnant la famille lors de son débarquement aux Seychelles. La compagnie aérienne nationale a payé leur voyage de Paris vers la nation insulaire pour la réunion de famille (Salifa Magnan, Seychelles News Agency) License Photo: CC-BY

L’espoir a permis à la mère de tenir

Esparon a indiqué que malgré le fait qu’on lui avait dit que son enfant était mort en 1978, dans son cœur, elle a toujours senti que son enfant était en vie et n’a jamais perdu l’espoir de retrouver sa fille qu’elle aurait appelé Nathalie.

“De ce que j’ai pu comprendre, ils s’étaient mis d’accord pour prendre mon bébé depuis que j’étais enceinte. Je n’avais aucun soutien, ma famille n’était pas avec moi et je n’étais pas en mesure de faire des démarches » a-t-elle indiqué.

Esparon a finalement quitté Beyrouth en 1980 pour soigner sa mère malade aux Seychelles. Elle s’est mariée et a eu d’autres enfants et a continué à s’occuper en reprenant le poste d’enseignant. 

Elle a indiqué à la SNA que c’était en 1996, l’année où sa fille aurait eu 18 ans, que le souvenir a refait surface et son envie de retrouver sa fille s’est ravivée.

“J’ai commencé à la chercher par le biais de la Ministre des Affaires Etrangères, Danielle de St Jorre. Elle a joué un rôle majeur dans tout cela » a indiqué Esparon.

Un effort concerté pour réunir la mère et la fille

Esparon, qui a une autre fille et un garçon, a bénéficié du soutien de sa famille dans sa quête. En 1999 elle s’est même rendue au Liban pour la chercher mais en vain.

La fille d’Esparon, Michelle, qui habite en Australie, est celle qui a retrouvé sa grande sœur plus tôt cette année.

Des contacts ont également été établis avec le couvent où vivent les religieuses qui ont accompagné Esparon lors de ses visites prénatales, et c’est là qu’elle a appris que sa sœur était en vie, avait été adoptée et vivait en France.

« Michelle avait mes dossiers et a commencé à rechercher sa sœur. Elle a fait des recherches au couvent et est entrée en relation avec deux garçons qui cherchaient leur mère dans ce couvent.  Elle voulait savoir s’ils pouvaient l’aider. Ils étaient d’accord de l’aider comme enquêteurs. Ils sont entrés en relation avec deux autres personnes en France qui avaient vécu la même situation » a indiqué Esparon.

Stan, le fils d’Esparon, a indiqué que sa sœur en Australie lui envoyait des nouvelles informations tout le temps.

“Ma sœur me demandait de ne rien montrer à ma mère jusqu’à ce que tout soit confirmé. Je me précipitais néanmoins la plupart du temps pour tout montrer à ma mère » a indiqué Stan.

La mère et la fille ont dit avoir beaucoup prié pour ce moment  (Patrick Joubert, Seychelles News Agency) License Photo: CC-BY

Air Seychelles aide au regroupement familial

La compagnie aérienne nationale a payé les dépenses de voyage pour Guillon, qui était accompagnée de son mari Nicolas, et de ses deux fils Louis et Noham pour venir aux Seychelles rencontrer leur famille.

Un représentant d’Air Seychelles a indiqué que la compagnie a appris l’histoire qui a été racontée dans le programme 'dyalog an direk' diffusé à la télévision nationale il y a quelques mois.

“Notre mission dans la communauté et de réaliser les rêves de nos frères et sœurs du mieux que nous le pouvons. Nous devions intervenir pour réunir cette mère et sa fille » a indiqué Josie Michaud-Payet, Directrice de la responsabilité sociale à Air Seychelles, à la presse locale.

Corine Guillon, son mari et ses fils passeront 15 jours aux Seychelles.

Guillon ainsi que sa famille aux Seychelles ont promis de rester en contact et d’organiser plus de réunions familiales dans le futur.

« Nous profiterons au maximum du temps qu’elle passera ici, même si nous ne pourrons pas rattraper le temps perdu » a indiqué Stan Esparon, le petit frère de Guillon, aux journalistes mardi.

Plusieurs membres de la famille sont venus à l’aéroport pour la réunion. Dans la deuxième photo, Veronica Esparon est photographiée avec sa fille perdue depuis si longtemps et son fils Stan. Sur la photo il manque son autre fille Michelle qui vit en Australie. (Salifa Magnan, Seychelles News Agency) License Photo: CC-BY     

 

 

 


Tags: Veronica Esparon, Corine Guillon, Liban, Syrie, France, Air Seychelles

Back  

» Related Articles:

Search

Search