Burundi: manifestation à l'appel du pouvoir contre la France et la résolution de l'ONU

Monde |Author: AFP | July 31, 2016, Sunday @ 08:45| 2939 views

Des manifestants burundais manifestent devant l'ambassade de France a Bujumbura (STR / AFP)

(AFP) - Le gouvernement du Burundi a organisé samedi une manifestation devant l'ambassade de France à Bujumbura, pour manifester son hostilité à la résolution de l'ONU adoptée vendredi à l'initiative de la France et prévoyant le déploiement de 228 policiers dans le pays.

En mobilisant des milliers de leurs partisans dans les rues de la capitale, les autorités burundaises ont montré qu'elles n'entendaient pas se soumettre facilement à cette résolution.

Premier officiel à réagir, le représentant permanent burundais auprès des Nations unies, Albert Shingiro, a donné le ton. "Inimaginable de croire qu'une résolution non consensuelle puisse être appliquée sans le respect du sacro-saint principe de la souveraineté" du Burundi, a-t-il écrit sur son compte Twitter.

Clairement "organisée par le pouvoir", selon une source diplomatique occidentale à Bujumbura interrogée par l'AFP, cette manifestation est partie de la place de l'Indépendance en plein centre-ville de la capitale, pour se diriger vers l'ambassade de France.

Le maire de Bujumbura, Freddy Mbonimpa, et de nombreux hauts cadres du parti au pouvoir (Cndd-FDD), de l'administration et des députés figuraient au premier rang des manifestants.

"On ne comprend pas l'acharnement de la France (...) d'autant que des missions de l'UA (Union africaine), de l'ONU, des chefs d'états sont venus au Burundi et ont tous constaté que les choses étaient redevenues normales", a dénoncé M. Mbonimpa dans un message transmis en soirée à l'AFP.

Encadrés par de nombreux policiers, ceux-ci ont organisé un sit-in de plusieurs minutes devant l'ambassade, en lançant des slogans hostiles à la France et au déploiement de la future force de police prévue par la résolution de l'ONU.

"Le peuple burundais dit non à la résolution 2303 de l'ONU", proclamait l'une des pancartes brandies par les manifestants, selon des photos publiées par les médias burundais.

"La France veut envoyer des hommes armés au Burundi pour commettre un génocide comme au Rwanda en 1994", accusait une autre. 

La manifestation s'est toutefois déroulée dans le calme. "C'était très bon enfant, il n'y a eu aucun problème", a expliqué l'ambassadeur de France, Gerrit van Rossum, interrogé par l'AFP au téléphone depuis Nairobi.

 

- 'Ils vont tout faire pour refuser' -

 

"Il y a une incompréhension profonde sur le rôle de la France au Conseil de sécurité. Mais ça n'a aucun lien avec les relations bilatérales. Et puis cette résolution est bonne pour le Burundi", a ajouté l'ambassadeur, qui est descendu dans la rue pour parler aux manifestants et tenter de faire passer ce message.

Les manifestants ont également défilé devant l'ambassade du Rwanda, pays que Bujumbura accuse d'entraîner des rebelles burundais. De nouvelles manifestations devraient avoir lieu samedi prochain dans tout le pays, selon une source gouvernementale.

Le Conseil de sécurité a voté vendredi une résolution proposée par la France et prévoyant le déploiement progressif de 228 policiers de l'ONU au Burundi, pour tenter d'y ramener le calme et de faire respecter les droits de l'Homme.

Ce petit pays d'Afrique des Grands lacs est plongé dans une grave crise émaillée de violences, qui ont fait plus 500 morts, depuis que le président Pierre Nkurunziza a annoncé en avril 2015 sa candidature à un troisième mandat, avant d'être réélu en juillet.

Les policiers de l'ONU seront envoyés à Bujumbura et dans tout le Burundi "pour une période initiale d'un an". Et leur mandat pourra être prolongé ou modifié si la situation empire.

Ce texte demande au gouvernement burundais de "coopérer pleinement" avec la force de police onusienne. Il risque toutefois de se heurter à son refus, celui-ci n'ayant pour l'instant accepté d'accueillir que 50 policiers.

"Ils vont tout faire pour refuser, pour que la résolution ne soit pas suivie d'effets", prévient la même source diplomatique. "Il suffit de regarder les observateurs de l'Union africaine: ils devaient être 200, ils sont 30 ou 40".

Le gouvernement burundais a accepté en principe le déploiement de 100 observateurs et 100 experts militaires envoyés par l'Union africaine, mais seuls 32 observateurs et 14 experts sont effectivement sur le terrain.

Bujumbura peut compter sur le soutien de certains membres du Conseil de sécurité. Lors des négociations autour de cette résolution, la Chine, la Russie, l'Angola, l'Egypte et le Venezuela ont insisté sur la nécessité d'obtenir au préalable un accord du pouvoir burundais.

L'envoi de ces 228 policiers aurait pourtant le mérite de "rassurer" les Burundais, estime la source diplomatique interrogée par l'AFP, qui décrit une situation caractérisée par "l'intimidation, la peur, la répression" et évoque une "population tétanisée".

cyb/dom


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