Opter pour une approche préventive ! Les Nations d’Afrique occidentale s’inspirent du modèle performant de poursuite contre la piraterie aux Seychelles

Actualités Nationales |Author: Julia Malbrook, Sharon Uranie et Séverine Martin | October 24, 2015, Saturday @ 06:34| 1238 views

Photo d'archives : Un pirate somalien, membre d'un groupe de 6 pirates capturés en mer par les forces de défense des Seychelles après qu'ils aient pris en otage un bateau de pêche seychellois le 31 mars 2010. La nation insulaire est maintenant prête à partager son expérience en matière de poursuite contre les pirates présumés avec les nations d’Afrique occidentale intéressées. (Seychelles News Agency)

(Seychelles News Agency) - Après avoir joué un rôle central dans la lutte contre la piraterie maritime autour de la Corne d'Afrique et dans la région de l'océan Indien, les Seychelles sont maintenant prêtes à partager les enseignements tirés de leur expérience au cours de ces dernières années. Trois pays ouest-africains ; le Togo, le Ghana et Sao Tomé et Principe ont témoigné leur intérêt de tirer des enseignements de l'expérience des Seychelles, avec une attention particulière sur son modèle de poursuite, qui est considéré comme un « modèle performant. »

Le fléau de la piraterie qui avait commencé à sévir dans l'océan Indien à partir de 2005 eut un impact direct sur les secteurs du tourisme et de la pêche du pays. Raison pour laquelle, les Seychelles ont fini par se positionner en première ligne de la lutte contre la piraterie.

Depuis 2009, l'archipel de 115 îles de l'océan Indien avec une population d'environ 93.000 habitants a déployé activement ses ressources pour lutter contre la piraterie, notamment les forces de défense, les garde-côtes, la police, l’administration pénitentiaire et le système judiciaire.

Tandis que les attaques de pirates au large de la grande côte de la Somalie ont diminué, passant ainsi de 236 attaques en 2011 à deux attaques à priori infructueuses en 2014, grâce aux efforts de coopération internationale en matière de lutte contre la piraterie, le fléau s’est quant à lui, dans une certaine mesure, propagé à la région d’Afrique occidentale, et plus précisément dans le Golfe de Guinée.

Selon un rapport de l’ONUDC, la majeure partie de la piraterie affectant l’Afrique de l'Ouest « résulte du désordre entourant le domaine de l'industrie régionale pétrolière puisqu’une part importante des récentes attaques de piraterie ciblent des navires transportant des produits pétroliers. »

Le Nigeria est un des pays qui a été le plus touché, et notamment ses citoyens qui ont été pris pour otages à plusieurs reprises.

Néanmoins, le Togo, le Ghana et Sao Tomé et Principe étant ses voisins, ils ne sont pas restés indifférents, bien qu’ils n’aient eu guère à répondre à des menaces de piraterie.

Les trois pays africains veulent adopter ce qu'ils ont appelé une « approche préventive » à une menace potentielle.

« Le Togocompte plus de 100 navires qui sont ancrés chaque nuit (dans ses ports)...  C’est devenu un port de refuge pour les navires de la zone qui souhaitent rester à quai avant de poursuivre leur voyage. Donc, il est indispensable d’anticiper tout incident pour protéger les intérêts de nos partenaires et dans l'intérêt des conventions internationales que le Togo a signé, » a déclaré mardi dernier Hubert Bakai, le secrétaire de cabinet du ministère des Océans du Togo, aux journalistes locaux lors d'une conférence de presse, à l'issue d'une mission d'enquête de deux jours d'une délégation de trois pays d’Afrique occidentale.

« Le port de Tema est un port essentiel pour l'économie du Ghana. Si nous ne parvenons pas à protéger cet intérêt particulier, ce sera une source de grande inquiétude pour les Ghanéens, parce que les avantages économiques dont nous bénéficions grâce au port sont tels que nous ne pouvons pas nous asseoir et attendre que les pirates viennent attaquer notre port, » a ajouté le surintendant adjoint, Richard Odartey, du ministère de la Marine de la police ghanéenne.

Selon l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, l’ONUDC, qui a facilité la visite, l’intérêt principal réside dans la méthode de poursuites des Seychelles qui s’est révélé être un succès tant d’un point de vue des arrestations que des poursuites des pirates présumés.

L’ONUDC est l'un des nombreux partenaires internationaux qui a travaillé activement aux côtés des Seychelles au cours des dernières années pour lutter contre le piratage.

« Ce que l'ONUDCa fait c’est que nous avons réuni ces délégations et nous avons travaillé avec eux sur ce qui est connu comme un modèle de poursuite de la piraterie et sur les cinq étapes impliquées. C’est un modèle très performant qui a fonctionné aux Seychelles et dans la région d’Afrique orientale. Nous sommes impatients que nos représentants de la région d’Afrique de l'Ouest prennent exemple et adoptent tout ce qui leur sera approprié, » a dit aux journalistes, Shanaka Jayasekara, responsable-pays du programme de l'ONUDC pour la criminalité maritime. 

Les délégations d’Afrique de l'Ouest, lors d'une conférence de presse mardi dernier, concentrées sur leur désir d'apprendre à partir du modèle de poursuite de la piraterie aux Seychelles. (Seychelles Nation) Licence photo: CC-BY-NC

Au plus haut des attaques de la piraterie dans la région, plusieurs groupes de pêcheurs seychellois ont également été retenus en captivité puis libérés par des pirates somaliens, le dernier cas fut celui de deux vieux pêcheurs qui ont été libérés en 2011, après avoir passé plus d'un an en captivité.

Les Seychelles ont mené des procès pour piraterie depuis 2010, après que l'Assemblée nationale ait modifié le code pénal pour permettre la poursuite des pirates et notamment des pirates somaliens présumés, arrêtés par les forces étrangères et internationales qui sont ensuite remis aux Seychelles afin d'être jugé.

Ceci est basé sur la notion de compétence universelle, qui permet aux Etats ou aux organisations internationales de revendiquer la juridiction pénale pour une personne accusée indépendamment du lieu où le crime présumé a été commis, et indépendamment de la nationalité de l'accusé, de son pays de résidence, ou de toute autre relation avec l’entité poursuivie.

À ce jour, les Seychelles ont poursuivi 142 individus lors de 17 procès pour délit de piraterie, au cours des six dernières années, bien plus que tout autre pays dans la région. Bien qu’il y ait eu quelques cas où la Cour d'appel des Seychelles a rejeté les précédentes décisions, principalement en raison d'un manque de preuves ou parce que les accusés étaient considérés comme mineurs, cela a abouti à la condamnation de 138 pirates.

Forts de ce qu'ils ont recueilli dans le cadre de leur visite, les représentants du Ghana, du Togo et de São Tomé et Príncipe ont tous indiqué que lorsqu’ils seraient de retour dans leurs pays, ils s’adresseraient aux plus hautes autorités de leurs pays respectifs pour les inciter à adopter le même modèle.

La délégation a également eu la chance de visiter le centre pénitentiel principal, la prison de la Montagne Posée, situé dans les montagnes tropicales luxuriantes menant à la partie ouest de l’île principale de Mahé, où, d’après les chiffres fournis à la SNA en septembre, près de 31 Somaliens sont toujours en détention.

La plupart des pirates condamnés ont déjà été transférés dans leurs pays d’origine pour purger leurs peines pour actes de piraterie à la prison de Garowe (Puntland) ou à la prison d’Hargeysa (Somaliland).

Ce sont les deux centres de détention construits par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), dans le cadre de son Programme de transfert des prisonniers pour les actes de piraterie.

La délégation a également visité le  nouveau Palais de justice  qui a ouvert ses portes plus tôt cette année, mettant l'accent sur la piraterie et les autres crimes maritimes liés à la piraterie.

Il est à noter que ce n’est pas la première fois que d'autres pays, ou organisations régionales et internationales, se tournent vers les Seychelles pour tirer des enseignements de son expérience en matière de lutte contre la piraterie.

Bien que les efforts internationaux ont permis de faire baisser le nombre de cas de piraterie, une surveillance continue et une analyse de la situation régionale réalisée par des groupes intéressés ont averti que la menace est toujours imminente.

Selon unarticle de l’AFP publié le mois dernier, un nouveau rapport a indiqué que la pêche illégale généralisée des chalutiers étrangers au large des côtes de la Somalie autrefois infesté de pirates pourrait à nouveau pousser les communautés somaliennes aux actes de piraterie.

La question de la pêche illégale semble être également une grande préoccupation de l'autre côté du continent. Le Togo, le Ghana et Sao Tomé-et-Príncipe qui ont déjà des sociétés régionales pour patrouiller les eaux qui les entourent ont noté que leur visite aux Seychelles leur a également permis d’apprendre de quelle manière aborder d'autres infractions maritimes autres que la piraterie et notamment la pêche illégale. 


Tags: Togo, Ghana, Sao Tomé-et-Príncipe, piraterie, ONUDC, modèle de poursuite

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