Lutter contre le changement climatique : une ONG aux Seychelles obtient un financement pour restaurer le littoral érodé

Environnement |Author: Sharon Meriton Jean, Sharon uranie et Séverine Martin | June 12, 2015, Friday @ 20:45| 3561 views

Pendant des années, les habitants d’Anse Kerlan ont été affectés par l’augmentation des raz de marée,endommageant leurs propriétés. Actuellement, un nouveau projet vise à remédier à cette situation cauchemardesque. (Romano Laurence

(Seychelles News Agency) - - Un des signes visibles de la vulnérabilité des Seychelles  et qui est lié aux effets du changement climatique se situe sur les côtes de l'archipel de l'océan Indien où plusieurs rivages ont subi une intense dégradation et érosion.

North East Point, situé dans la partie nord de l'île principale de Mahé, Anse La Mouche dans la partie ouest de Mahé et même le rivage près de la jetée à la Digue, la troisième île la plus peuplée des Seychelles, sont des exemples de régions qui témoignent de l'érosion côtière, principalement en raison de la montée des eaux et de l’augmentation de la force des vagues éliminant ainsi de grandes étendues de plages.

Un tronçon d'un kilomètre de côte, dans la partie nord-ouest de Praslin, la deuxième île la plus peuplée des Seychelles, plus précisément à Anse Kerlan, a subi le même sort laissant pendant de nombreuses années, plus de 10 familles à la merci des raz de marée.

 « Les arbres tombent à chaque mousson, nos murs commencent à s’effondrer et nos maisons se fissurent ... certaines personnes sont parties, mais nous sommes restés, » a déclaré à la SNA, Désiré Éthѐve, un pêcheur d’une cinquantaine d’années qui est né et a grandi à Anse Kerlan.

À marée haute, les grosses vagues viennent frapper le petit abri qu'il a construit pour son bateau et bien souvent les algues charriées par les vagues s’échouent à côté de la terrasse de sa maison construite, en partie, de feuilles de tôle ondulée.

 « À marée basse, nous avons un autre type de problème. Le sable s’accumule tellement dans la cour que nous ne sommes pas en mesure de planter quoi que ce soit, même l'herbe et les arbustes meurent, » a déploré Éthѐve.

Cette zone était l'une des priorités qui avaient été identifiées dans le cadre d'un projet entrepris en 2011 par l’Agence Japonaise de coopération internationale (JICA), dans l'archipel de l'océan Indien de 115 îles.

Le projet visait à déterminer la vitesse à laquelle se produisait l'érosion côtière à Anse Kerlan et à proposer les mesures qui pourraient être mises en œuvre. Toutefois, en raison de contraintes budgétaires aucune mesure d’atténuation n’a été jusqu'à présent implémentée dans ce domaine.

Ce qui a conduit quelques-unes des 15 familles vivant là à trouver leurs propres moyens de protection en construisant des « forteresses » de gros rochers qui empêchent les vagues de leur retirer leurs terres et d'endommager leurs biens.

Mais selon Nimham Senaratne, le consultant mandaté par une ONG locale qui est connue sous le nom d’ « Anse Kerlan Avangard » (Anse Kerlan Avant-Garde), cela a eu des répercussions négatives sur la zone.

 « Bien que les brise-lames soient construits individuellement, ils s’affectent les uns les autres car ils sont tous sur la même plage ..., » a déclaré Senaratne à la SNA.

 « Ceux qui ont construit des enrochements de protection sont en quelque sorte protégés, bien que les zones non protégées créent d'autres mouvements de marée qui à long terme effritent leur structure... »

Prendre en main son destin

"Anse Kerlan Avangard " regroupe la plupart des familles affectées par l'érosion le long de la région côtière. Cette ONG a été formée en 2009 dans le but de prendre en charge le problème auquel ils étaient confrontés.

À l'instar du nom de leur organisation, qui tend à dire que ce sont des gens novateurs et expérimentaux, le groupe a été en mesure d’atteindre une certaine forme de réussite.

S’élevant à près de 2 mètres de haut, la côte d'Anse Kerlan subit l’érosion depuis de nombreuses années,  laissant les pêcheurs et les logements privés à la merci des vagues. (Division de l’adaptation et de l’aménagement des zones côtières, ministère de l'Environnement, de l'énergie et du changement climatique) Licence photo : CC-BY 

Lors d’une interview avec la SNA, Fulgѐre Morel, président de l'ONG, a déclaré que le fait de s’être  regroupé avait permis de sensibiliser le public sur la question et que l’ONG avait même reçu des financements pour lutter contre l'érosion.

"Mangroves For the Future", MFF,  est une organisation internationale qui fournit des subventions pour différents projets relatifs à l’aménagement des zones côtières et le gouvernement australien a récemment répondu à leur appel à l'aide.

Globalement, ils ont donné au groupe 45,000 $  pour étudier l’impact de ce phénomène naturel et pour mettre en œuvre des solutions.

Parmi les solutions proposées, il y a la construction de murs d’enrochement dans deux zones spécifiques du littoral, notamment en face de la maison d’Éthѐve.

« Nous allons créer une rampe d'accès de plus de 6 mètres de long et de 1,2 mètres au-dessus de l'eau pour permettre aux pêcheurs de tirer leurs bateaux à marée haute. Cela n'a jamais été fait auparavant, bien que plusieurs des habitants soient des pêcheurs ils étaient tous livrés à eux-mêmes, a déclaré Senaratne, lors d'une récente présentation du projet à la communauté.

Il a ajouté que plus de 1900 tonnes de roches seront utilisées dans cette partie de la zone côtière, puis il y aura une éventuelle réhabilitation de la zone par la plantation d’arbres.

Le projet comprendra également une étude topographique de la zone pour déterminer la hauteur du terrain par rapport à la hauteur des vagues qui surviennent là, ainsi qu’une étude de l'environnement marin en face d'Anse Kerlan, pour évaluer la diversité de la vie marine, incluant la croissance des coraux et les poissons de récif qu’on peut trouver là.

 « La diminution du sable à Anse Kerlan a provoqué la destruction de la plupart des récifs coralliens de la zone et par conséquent nous n’avons plus beaucoup de vie marine, » a déclaré Morel en notant que certains sites en haute mer se sont adaptés au changement climatique.

Les études précédentes effectuées par "Anse Kerlan Avangard" ont montré qu’une grande partie du sable, près de 1,7 mètres cubes par an s’est perdu dans la mer d'Anse Kerlan, et qu’une certaine quantité s’est déposée à Amitie, une zone à quelques kilomètres de là et qu’il revient à Anse Kerlan en raison du changement des moussons.

Cependant, les études ont également montré que moins de 25 pour cent du sable d’origine provenant de cette érosion revient chaque année à Anse Kerlan, laissant ses plages de sable, autrefois belles, ornées d’arbres mourants et exposées à la force de la mer et du vent.

Selon Morel, l’enrochement de protection tout au long de la partie érodée de la côte, « évitera, espérons-le, cette migration de sable. »

Se tourner vers le futur

Cependant, le projet n'a pas été sans conséquences néfastes.

Les habitants se souviennent qu’autrefois, ils avaient l'habitude de voir des tortues marines venir pondre leurs œufs dans la région mais aussi que les plages étaient parmi les plus belles de Praslin, même comparable à celle d’Anse Lazio qui a été récemment classée 6ème plus belle plage au monde par les usagers du site internet Tripadvisor, après avoir reçu des reconnaissances similaires par le site internet Lonely Planet et d’autres nombreux sites de voyage et des magazines. Ce qui est également le cas pour Anse Georgette.

Autrefois classée parmi les plus belles plages de l'île de Praslin et située sur la côte Nord-Ouest, Anse Kerlan, s’est transformée en des amas de roches et de pierres empilées par les habitants qui ont fortifié leurs défenses contre le changement climatique. (Romano Laurence, Seychelles News Agency) License photo : CC-BY

Peu à peu, des murs d’enrochement sont construits sur la côte d'Anse Kerlan.

Lorsque la SNA a demandé si d'autres mesures avaient été envisagées, Morel a déclaré que « d'autres alternatives sont tout simplement trop coûteuses, » soulignant que « cela tiendra au moins pour les 50 prochaines années. »

 « Nous pensons que la situation a été aggravée par la remise en état de différentes îles, dont l'île Eve [une zone remise en état située de l'autre côté de l'île de Praslin, dans le district de la Baie Sainte Anne]. Nous avons perdu plus de 20 mètres de terres et sans ces  mesures de protection, nous en  perdrons davantage... »

Bien que tous les habitants d’Anse Kerlan vivent le long de la côte, l'ONG a déclaré que le projet sera bénéfique à toutes les personnes de la communauté de Praslin.

 « Nous avons tous besoin d'un accès à la mer. Nous allons tous à la plage ... Quand quelqu'un remonte sur la côte ça entraîne des déplacements de population... » a affirmé Morel ajoutant que l'ONG souhaite également réhabiliter des zones côtières d'Anse Kerlan à travers de futurs projets.


Tags: érosion, Praslin, Anse Kerlan, changement climatique

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