Un coucher de soleil mécanique à la Biennale d'Art de Venise : une première participation qui ouvre la voie à d’autres artistes des Seychelles
Arts & Culture |Author: Genevieve Morel et Séverine Martin | June 9, 2015, Tuesday @ 14:52| 3083 viewsUne vue de l'œuvre de Léon Radegonde et de George Camille exposée au Palazzo Mora pour la 56e Biennale d'art de Venise qui a ouvert ses portes au mois de mai et se poursuivra jusqu'au 22 novembre (Seychelles Art Projects Foundation/facebook)
(Seychelles News Agency) - À quelque 7000 km de leur île d’origine, les créations artistiques de George Camille et Léon Radegonde sont encore exposées dans l’attente d’être découvertes par les amateurs d’arts du monde entier. Pour les artistes seychellois George Camille et Léon Radegonde leur mission est pour ainsi dire accomplie.
Après une participation à la 56ème Biennale des Arts à Venise qu'ils ont décrites comme « réussie », le duo est rentré aux Seychelles plein d'enthousiasme et riche d’expériences qu'ils ont envie de partager avec d'autres collègues.
Ce fut la première participation du petit Etat insulaire de 90 000 personnes au rendez-vous international des arts qui a réuni cette année près de 136 artistes de 53 pays.
Parmi les sept artistes seychellois qui ont participé à la sélection et qui ont soumis leurs projets, ce sont les artistes George Camille et Léon Radegonde qui ont été choisis.
Participation à la biennale des Arts de Venise - un mélange d'émotions
Dans une interview accordée à la SNA, et près de deux mois après avoir été audités par deux commissaires internationaux Sarah MacDonald et Victor Wong Schaub, les deux artistes ont déclaré que leur sélection leur avait procuré un mélange d'émotions.
Bien que les deux artistes fussent très heureux d'être les premiers Seychellois choisis pour participer à un événement aussi prestigieux, ils réalisèrent que disposant de seulement trois mois avant le lancement de la biennale ils devraient gérer la pression et la préparation.
«Quand on va à Venise, il ne s’agit pas seulement de soi en tant qu’artiste.» a déclaré Camille à la SNA, ajoutant qu'il avait mis tout le reste en attente.
«En participant pour la première fois à l’événement en représentant le pays, la chose la plus importante est de lever un premier pavillon pour les Seychelles et de créer une bonne impression, non seulement pour moi en tant qu'artiste, mais aussi pour les Seychelles. C’est la raison pour laquelle […] j’ai consacré tout mon temps, fait tous les sacrifices et tous les efforts pour faire en sorte que le travail soit bon.»
Représenter tous les futurs du monde
Tous les artistes participants ont eu pour mission d’utiliser leurs arts pour présenter « tous les futurs du monde ». Les deux Seychellois ont creusé profondément dans leur imagination, leur créativité et ont fusionné leurs talents artistiques et leurs styles pour réaliser leur œuvre finale.
Camille a décrit sa pièce maîtresse nommée «Lalyann Anvisan» (en créole), ou lianes envahissantes comme quelque chose qu'il n'a jamais fait auparavant.
L’homme de 51 ans a présenté une installation représentant l'équilibre entre le développement économique et l'impact ultérieur de ce développement sur l'environnement, dans le petit archipel de 115 îles avec une population d'environ 90.000 personnes.
George Camille préparant son installation dans le pavillon des Seychelles à Venise (Seychelles Art Projects Foundation/facebook) Photo License: CC-BY |
Le pavillon des Seychelles au Palazzo Mora (George Camille Gallery/facebook) Photo License: CC-BY |
« ... Une installation de câbles électriques, d'huile de pétrole et d’armatures métalliques, qui a envahi l'espace comme le font les lianes indésirables de son pays natal. Des câbles électriques identiques à ceux utilisés sur l'île dans des projets hôteliers massifs s’écartent pour révéler les feuilles de vignes envahissantes et des réservoirs d'huile de pétrole planant au-dessus des têtes comme des autels de vénération. Les feuilles de vignes enveloppent la charpente tandis que l'huile suinte doucement et enrobe les feuilles », voilà comment les deux conservateurs Sarah MacDonald et Victor Wong Schaub ont décrit l'installation de George Camille, dans un article publié par eturbo news.
«Les capsules temporelles servent de catalyseur pour écrire l'avenir. Sur sa toile sombre, une nouvelle lumière est émise.» ont décrit les conservateurs.
Léon Radegonde au travail. (Seychelles Art Projects Foundation/facebook) Photo License: CC-BY |
Une visibilité pour les Seychelles - ouvrant la voie à d'autres artistes
Les œuvres des artistes seychellois sont exposées dans un espace de cinquante mètres carrés au « Palazzo Mora », un centre culturel qui accueille des expositions d'art et d'architecture obtenues gratuitement, grâce à de généreux commanditaires.
Outre le pavillon des Seychelles surnommé «A Clockwork Sunset», les pavillons des Philippines et de la Mongolie sont également situés au Palazzo Mora.
Camille et Radegonde ont admis qu'ils avaient été seulement en mesure de recueillir 15 000 euros pour leur participation à la Biennale de Venise ; une somme assez importante pour des artistes du petit archipel de l'océan Indien.
«Pour avoir un bon pavillon ... vous avez besoin de soutien. Certains pays ont d'énormes espaces pour exposer, certains ont un bâtiment entier à eux-seuls grâce aux ressources financières mises à leur disposition.» ont-ils confié à la SNA.
Néanmoins, le duo n’a pas laissé le manque de financement les décourager, au contraire ils ont trouvé des moyens d'adapter et d’utiliser de manière optimale l'espace qui leur a été attribué.
Quatre œuvres de Radegonde ont été fixées au mur tandis que les deux parties de l’installation de Camille tenait debout librement. Selon eux, les choses se sont bien déroulées puisque le travail de chacun complétait celui de l'autre.«Nous avons donné l’illusion que les œuvres avaient été conçues pour l'espace. Ça a créé une ambiance.»
«Notre exposition avait de la cohérence, la qualité artistique était là et elle était bien mise en valeur dans le Palazzo. Tout bien considéré, je suis heureux et fier de notre exposition. Pour moi c’est un bon point de départ et nous ne pouvons que construire sur cette base.» a déclaré Camille.
«J’aimerais que les Seychelles participent à chaque future biennale et à chaque biennale, nous atteindrons une nouvelle maturité, quelque chose qui va croître en termes de qualité des participants, de types d'expositions et cela ne viendra qu’avec de la pratique.»
L'ouverture de la biennale a eu lieu samedi 9 mai. Un bon nombre de Seychellois et des amis des artistes résidant en Europe sont venus apporter leur soutien, tout comme le ministre du tourisme et de la Culture des Seychelles, Alain St. Ange.
Les deux artistes s’accordent à dire qu’à travers le pavillon des Seychelles, la nation insulaire, qui est d'abord et avant tout une destination touristique, a réussi à attirer beaucoup de visibilité du fait que les artistes ont été interviewés dans de nombreux médias et dans des publications ultérieures.
« ... Tout bien considéré, nous sommes heureux de ce que nous avons présenté... nous avons tenu nos positions. » a déclaré Radegonde.
«Les Seychelles ont suscité beaucoup d'intérêt tant au niveau du pays que de l'art. A compter de ce jour et jusqu'à la fin de la Biennale, le 22 novembre, beaucoup de gens vont entendre parler des Seychelles, même si tout le monde n’aura pas vu l’exposition.» ont affirmé les deux artistes.
Interview de Léon Radegonde. (Seychelles Art Projects Foundation/facebook) Photo License: CC-BY |
Concernant l’Art aux Seychelles, les deux hommes partagent l’opinion que leur participation a seulement ouvert la voie à une plus grande et meilleure participation d'un plus grand nombre d'artistes seychellois dans les futures Biennales des arts à Venise.
«Maintenant que la voie est ouverte, nous ne pouvons pas nous permettre de revenir en arrière et les artistes encore peu connus devraient commencer à travailler dans ce but dès à présent, car c’est une chose d'avoir lu quelque chose au sujet de la Biennale ou de s’y rendre pour la visiter, mais c’est tout autre chose d'être invité à y participer.»
Unerévélation
Les Seychelles faisaient partie des cinq pays à participer pour la première fois à la biennale aux côtés de l'île Maurice, de la Grenade, de la Mongolie et du Mozambique.
L'événement a également eu un impact sur les artistes à titre individuel. En effet, les deux artistes réexaminent et revisitent leurs créations artistiques grâce à ce qu'ils ont gagné en termes d'expérience.
«Je pensais avoir achevé ma collection, mais maintenant je me rends compte que je dois faire des ajouts pour la rendre plus substantielle, penser plus grand en termes de contenu et de qualité.» a déclaré Radegonde à la SNA.
«La créativité est ce qui nous a conduit jusque-là et j'ai décidé que je continuerai à être aussi créatif que possible, car quoique vous fassiez, si vous le faites bien et que vous êtes sincère, ça marchera.»
Pour George Camille, la Biennale des Arts de Venise a été comme une expérience de « déjà vu » - non pas en termes de participation, mais il avait eu la chance de visiter les six biennales précédentes en tant que spectateur.
Néanmoins, il n'a pas tardé à admettre qu’avoir participer à la Biennale lui a fait comprendre que «c’est tout autre chose de faire partie d'un tel événement et cela m'a aussi fait réaliser que je dois mettre l'accent sur mon travail, et faire plus d'installations artistiques... qui ne sont pas nécessairement dans une optique commerciale, mais de créer seulement pour le simple plaisir de créer quelque chose qui nous rend heureux.»
Les deux artistes ont également l'intention de rencontrer d’autres artistes visuels locaux pour partager leurs expériences.
«C’est important de mettre sur l’avant de la scène l'art contemporain international afin que les gens puissent voir que l'art peut être une carrière, l'art peut vous emmener loin, vous pouvez gagner votre vie en tant qu’artiste et que les artistes internationaux sont respectées.» a déclaré Camille.
Ce qu'il dit pourrait changer la perception de nombreux parents seychellois et leur permettre d'encourager leurs enfants à étudier l'art et à le considérer comme une carrière.
«Si la scène internationale est à portée de main, ça pourrait encourager les gens à produire plus.»
La Biennale d'Art de Venise restera ouverte jusqu'au dimanche 22 novembre, après quoi Camille et Radegonde espèrent exposer à nouveau leurs travaux aux Seychelles.
Les deux commissaires Victor Scaub Wong (premièr à gauche) et Sarah J McDonald (première à droite) photographiés avec Léon Radegonde et George Camille. (Seychelles Art Projects Foundation/facebook) Photo License: CC-BY |
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