France: l'armée déployée en Nouvelle-Calédonie après une troisième nuit d'émeutes
Monde |Author: AFP | May 16, 2024, Thursday @ 15:21| 6111 viewsUn véhicule blindé de la Gendarmerie passe devant le barrage filtrant installé sur la Promenade Pierre Vernier, à Nouméa, le 15 mai 2024, lors de manifestations liées à un débat sur un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les prochaines élections dans le territoire français d'outre-mer de la Nouvelle-Calédonie. (Photo Delphine Mayeur / AFP)
(AFP) - L'armée française s'est déployée jeudi en Nouvelle-Calédonie pour tenter de rétablir l'ordre dans cet archipel du Pacifique sud, placé en état d'urgence et secoué depuis lundi par des nuits d'émeutes qui ont fait quatre morts auxquels s'est ajouté le décès accidentel d'un gendarme.
Après deux nuits d'embrasement sur fond de révolte contre une réforme électorale, la nuit de mercredi à jeudi a été "moins violente" mais des "affrontements très importants" ont encore été constatés dans l'archipel, selon le représentant de l'Etat français sur place, Louis Le Franc.
Instauré par le président Emmanuel Macron, l'état d'urgence, qui permet notamment aux autorités de restreindre les libertés de circulation et de réunion, est en vigueur depuis 05H00 heure locale jeudi (18H00 GMT mercredi) dans cet archipel où le réseau social TikTok, prisé par les émeutiers, a été interdit. Selon le gouvernement, les militaires déployés sur place doivent notamment permettre de "sécuriser" les ports et l'aéroport de Nouméa, fermé depuis lundi.
Les émeutes ont éclaté lundi soir sur cette île colonisée par la France au XIXe siècle après une mobilisation indépendantiste contre une réforme constitutionnelle du collège électoral, rejetée par les représentants du peuple autochtone kanak.
Les violences ont fait quatre morts, dont un gendarme de 22 ans touché à la tête par un tir. Plusieurs centaines d'autres personnes ont été blessées, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Un deuxième gendarme est décédé jeudi après avoir été atteint par d'un "tir accidentel" d'un collègue lors d'une mission de sécurisation, a-t-on appris auprès du ministre et d'une source au sein de la gendarmerie.
Au total, 64 gendarmes et policiers ont été blessés depuis lundi, a précisé jeudi Louis Le Franc, qui avait qualifié la veille la situation "d'insurrectionnelle". Plus de 206 personnes ont été interpellées, selon les autorités.
Tout en dénonçant les violences, le président Macron prône "la nécessité d'une reprise du dialogue politique" et a proposé aux élus de Nouvelle-Calédonie un échange en visioconférence jeudi.
Le retour à l'ordre est un "préalable à la poursuite du dialogue", a toutefois prévenu jeudi le Premier ministre Gabriel Attal.
Dix "leaders" de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS), ont par ailleurs été assignés à résidence, selon M. Darmanin. Cette organisation "est mafieuse, violente, commet des pillages, des meurtres", a-t-il affirmé jeudi sur la chaîne France 2.
- Pillages et incendies -
Si la nuit de mercredi à jeudi a été moins violente, l'agglomération de Nouméa a de nouveau été la proie des pillages et des incendies. C'est là que des riverains ont commencé à organiser la protection de leurs quartiers et érigé des barricades de fortune, sur lesquelles ils ont planté des drapeaux blancs.
"Il y a aussi des pièges tendus aux forces de l'ordre", qui ont subi des "tirs nourris de carabines de grande chasse", a déclaré M. Le Franc.
Symbole de cette flambée de violence, le quartier pauvre d'Auteuil, où des tirs nourris résonnaient encore au petit matin, porte encore les traces des émeutes avec son supermarché incendié, ses commerces et restaurants brûlés et pillés, a constaté un correspondant de l'AFP.
"Nous venons ramasser ce qu'il y a dans les magasins pour manger. Après, nous n'aurons plus de magasin. On a besoin de lait pour les enfants. Je ne considère pas que ce soit du pillage", a jugé auprès de l'AFP une habitante d'Auteuil, qui a requis l'anonymat.
Faute d'approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires provoquent de très longues files d'attente devant les magasins.
La violence, "on est obligé de passer par là, de tout péter parce qu'on n'est pas entendu", a estimé un jeune homme, qui a également refusé de donner son nom.
Point de crispation de la colère des indépendantistes, le projet de réforme constitutionnelle sur le corps électoral a été adopté par les députés à Paris dans la nuit de mardi à mercredi.
Ce texte vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel, à tous les natifs calédoniens et aux résidents depuis au moins dix ans. Les partisans de l'indépendance jugent que ce dégel risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".
Sans faire de lien direct avec les violences, le ministre de l'Intérieur a par ailleurs accusé l'Azerbaïdjan d'ingérence en Nouvelle-Calédonie. "Ce n'est pas un fantasme, c'est une réalité", a déclaré M. Darmanin, déplorant "qu'une partie des indépendantistes calédoniens aient fait un deal avec l'Azerbaïdjan". Bakou a dénoncé des accusations "infondées" et des propos "insultants".
L'Azerbaïdjan, en froid avec Paris, avait convié à Bakou en juillet 2023 les indépendantistes de Nouvelle-Calédonie et d'autres territoires français d'Outre-mer.
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© Agence France-Presse
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