L'Australie vote sur les droits des Aborigènes, vers une victoire du "non"

Monde |Author: AFP | October 11, 2023, Wednesday @ 13:43| 848 views

Un groupe de bénévoles de la campagne "YES23" distribue des brochures à côté d'affiches promotionnelles du référendum dans le centre de Sydney le 9 octobre 2023, alors qu'un défenseur de premier plan avertit les électeurs qu'ils apporteront la "honte" à l'Australie s'ils rejettent le référendum du 14 octobre sur les droits des indigènes. (Photo DAVID GRAY / AFP) 

(AFP) - Les Australiens sont appelés à voter samedi pour un référendum historique reconnaissant les droits des Aborigènes mais les derniers sondages suggèrent une victoire du "non", après une campagne tendue qui a ravivé les divisions dans le pays sur la question raciale.

Le Premier ministre Anthony Albanese appelle à voter "oui" pour mettre fin à "200 ans de promesses non tenues et de trahisons, d'échecs et de faux départs". A moins d'un revirement de dernière minute dans l'opinion, la réforme devrait cependant être rejetée et signer un cuisant revers pour le chef du gouvernement travailliste.

Le projet, appelé "La Voix", vise à reconnaître pour la première fois les autochtones d'Australie dans la Constitution.

La réforme, sur laquelle près de 18 millions d'électeurs doivent se prononcer, créerait également un organisme représentatif qui pourra voter au Parlement sur les questions qui touchent les peuples autochtones.

Les partisans de la réforme considèrent que ces mesures contribueraient à panser les plaies encore vives d'un passé brutal de colonisation et de répression raciale en Australie.

Les Européens ont débarqué en Australie en 1606 et colonisé un continent habité depuis des milliers d'années par les Aborigènes, qu'ils ont assujettis et parfois massacrés.

Aujourd'hui, les Australiens autochtones ont les mêmes droits que les autres citoyens, mais ils souffrent toujours de fortes inégalités.

L'espérance de vie des Aborigènes est inférieure d'environ huit ans à celle des autres citoyens. Statistiquement, leurs enfants sont moins éduqués et deux fois plus susceptibles de mourir pendant l'enfance.

La campagne du "oui" a été soutenue par un grand nombre de chefs d'entreprise et de célébrités – de l'actrice Cate Blanchett à la joueuse de tennis Ashley Barty - ainsi que par le gouvernement.

Mais après avoir été longtemps en tête des sondages, le "oui" est à la traîne depuis que l'opposition conservatrice, dirigée par l'ancien ministre de la Défense Peter Dutton, combat le projet.

Les opposants à la réforme critiquent un bricolage constitutionnel qui créerait des divisions au sein de la société et ne serait pas efficace pour améliorer le sort des communautés autochtones.

La campagne du "non" a prospéré grâce aux inquiétudes autour des nouveaux pouvoirs accordés aux Aborigènes, lors de débats souvent émaillés d'arguments racistes, et à une vague de désinformation sur les réseaux sociaux.

Un sondage récent de l'institut Resolve donne le "non" en tête avec 56% contre 44% pour le "oui".

 

- "Nous ne sommes pas désolés" -

 

A moins d'un "échec catastrophique des sondages", le "non" est voué à l'emporter, note l'analyste Kevin Bonham, qui estime un large revirement impossible à ce stade.

Quel que soit le résultat, le référendum devrait avoir un profond impact sur la façon dont se définissent les Australiens et dont le pays est considéré à l'étranger.

"Une défaite du +oui+ serait un revers important pour les peuples autochtones et pour l'autodétermination en tant que droit universel", relève Dominic O'Sullivan, professeur de politique à l'Université Charles Sturt.

Cela veut dire que l'Australie "se considère comme un Etat colonial" et veut le rester, estime-t-il, craignant que "le racisme soit renforcé" par une victoire du "non".

Malgré les excuses prononcées par le gouvernement en 2008 pour le traitement des Aborigènes, "un vote +non+ dirait très, très fermement et haut et fort +nous ne sommes pas désolés+", ajoute l'universitaire, estimant qu'il n'y aurait "pas d'autre façon de l'interpréter".

Bec Strating, experte en relations internationales à l'université La Trobe, observe que ce vote "crucial" aura également un impact sur l'image de l'Australie à l'international.

Elle prédit que des adversaires comme la Chine se précipiteront pour exploiter le résultat et minimiser leur propre bilan en matière de droits de l'homme.

Peu de référendums dans l'histoire de l'Australie ont réussi à convaincre les électeurs. Seules huit consultations sur 44 proposées ont été approuvées. Les autres ont toutes échoué, faute de soutien combiné du gouvernement et de l'opposition, y compris pour un vote en 1999 sur la transformation de l'Australie en République.

arb-lgo/chv/jt

© Agence France-Presse


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