Mayotte: la justice suspend l'évacuation d'un bidonville
Océan Indien |Author: AFP | April 25, 2023, Tuesday @ 11:44| 2398 viewsDes gendarmes français contrôlent des voitures dans la ville de Koungou, le 24 avril 2023. Des préparatifs ont été effectués le 24 avril 2023 dans un bidonville de la commune de Koungou à Mayotte, à la veille de la première opération d'expulsion prévue le 25 avril 2023 à 6h00 locales (0300 GMT), a constaté un journaliste de l'AFP. (Photo Morgan Fache / AFP)
(AFP) - Revers judiciaire à Mayotte: le tribunal de Mamoudzou a suspendu l'évacuation d'un bidonville prévue mardi dans le cadre de l'opération contre la délinquance et l'habitat insalubre menée dans le département français de l'océan Indien.
L'évacuation de "Talus 2", un bidonville où vivent plus de 100 familles situé à Koungou, à proximité de Mamoudzou, initialement prévue mardi à partir de 06h00 locales (03h00 GMT), a été suspendue à la dernière minute, alors que les familles avaient déjà préparé leurs affaires pour quitter les lieux.
La justice a constaté "l'existence d'une voie de fait", tenant aux conditions d'expulsion jugées "irrégulières", notamment concernant le statut d'occupation du terrain et l'obligation de relogement, selon la décision du tribunal consultée par l'AFP.
"Je suis trop contente, on a été au tribunal, on a gagné. Rien ne va être détruit, enfin du repos", a déclaré à l'entrée de "Talus 2" Mdohoma Hadja, 33 ans, une habitante du quartier pointant les mains vers le ciel en signe de joie.
La préfecture de Mayotte a cependant annoncé à l'AFP faire appel de cette décision.
"Cette bataille juridique, on s'y attendait", a pour sa part déclaré Camille Chaize, la porte-parole du ministère de l'Intérieur sur RMC, ajoutant que l'opération, qui a "déjà lieu depuis plusieurs semaines", avait vocation à durer "plusieurs semaines, plusieurs mois".
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a lui répété sur Twitter que l'opération menée à Mayotte est "difficile mais extrêmement résolue", ajoutant que "ce qui met en danger la population c'est l'insalubrité, l'insécurité et la non reconnaissance du droit de propriété".
Préparée depuis un an, l'évacuation de "Talus 2" devait constituer la première et spectaculaire opération de "décasage" (destruction des cases en tôle) sur l'île depuis l'arrivée, mi-avril, de centaines de renforts policiers et de gendarmerie.
A cette heure, aucune autre opération de ce genre n'est en "phase active" ni attendue dans les jours à venir à Mayotte.
- Affrontements -
Sur place, peu après 06h00, des affrontements sporadiques ont eu lieu entre des jeunes du quartier voisin de "Talus 2" et des forces de l'ordre déployées en nombre, selon une journaliste de l'AFP.
Des barricades de poubelles et de pneus avaient été installées tout le long de l'axe principal de l'île menant au secteur.
Les forces de l'ordre, prises à partie par des jets de pierres, ont répliqué par des tirs nourris de LBD et de grenades lacrymogènes.
A "Talus 2", femme et enfants ont eux célébré au pied des habitations en tôle bleue et grise, sur la route de terre battue, la victoire contre l'arrêté d'expulsion, sous le survol d'un hélicoptère et inquiets de voir la fête gâchée par les échauffourées.
"A la suite de la décision (du tribunal), la population de Koungou a vécu un enfer toute la nuit (...) Il y a des conséquences sur le terrain à cause de ces décisions", a réagi Estelle Youssouffa, député LIOT de Mayotte sur RFI.
Une grande partie de la population mahoraise soutient de manière très véhémente ces opérations d'expulsion, accusant l'immigration clandestine comorienne de nourrir l'insécurité sur l'île, où près de la moitié des 350.000 habitants estimés ne possède pas la nationalité française selon l'INSEE.
L'association Droit au logement (DAL) avait appelé dimanche à stopper cette opération "brutale" et "anti-pauvres" et le collectif "Uni-e-s contre une immigration jetable" (UCIJ-2023), qui réunit 400 associations et syndicats, a dit lundi craindre "des violences et atteintes au droit".
-Refus des Comores-
Les autorités des Comores, qui revendiquent toujours leur souveraineté sur Mayotte, restée française après l'indépendance des Comores en 1974, sont vent debout contre cette opération.
Moroni a ainsi refusé lundi l'accostage d'un navire transportant une soixantaine de personnes. Le préfet de Mayotte a toutefois dit espérer "reprendre rapidement" les rotations de bateaux vers l'île comorienne d'Anjouan.
"C'est le jeu de la diplomatie", a encore dit Camille Chaize sur RMC. "On sait que des fois elle n'est pas rapide, elle n'est pas immédiate", mais "on travaille avec tous les pays africains et tous les gouvernements étrangers".
De nombreux migrants africains, surtout comoriens, tentent chaque année de rallier clandestinement Mayotte. Ces traversées hasardeuses prennent souvent une tournure dramatique avec des naufrages de "kwassa kwassa", petites embarcations de pêche à moteur utilisées par les passeurs.
En 2019, Moroni s'était engagé à "coopérer" avec Paris sur l'immigration, en échange d'une aide au développement de 150 millions d'euros sur trois ans.
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© Agence France-Presse
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