Soudan: les appels au cessez-le-feu pour la fête de l'Aïd ignorés par les bélligérants

Monde |Author: AFP | April 21, 2023, Friday @ 14:13| 1038 views

Une vue générale montre des volutes de fumée à Khartoum le 20 avril 2023, alors que les combats entre l'armée et les forces paramilitaires dirigées par des généraux rivaux font rage.  (Photo par AFP)

 

(AFP) - De violents affrontements se sont poursuivis vendredi au Soudan entre l'armée régulière et les paramilitaires, en dépit de multiples appels au cessez-le-feu à l'occasion de la fête de l'Aïd el-Fitr, la fin du mois sacré du Ramadan.

Des tirs et raids aériens ont secoué la capitale Khartoum dans la nuit et la matinée, comme c'est le cas quotidiennement depuis le début des combats le 15 avril, qui ont fait plus de 330 morts et 3.300 blessés.

Selon le syndicat des médecins, de nouveaux hôpitaux ont été fortement endommagés à Khartoum, et quatre établissements ont été touchés à al-Obeid, à 350 km au sud de la capitale. Les combats opposent l'armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhane , chef de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et les paramilitaires des Forces de Soutien Rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo .

Sur le front diplomatique, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, ont tous deux appelé séparément à un cessez-le-feu d'"au moins" trois jours pour marquer l'Aïd.

Les FSR ont annoncé "une trêve de 72 heures" à 04H00 GMT mais l'annonce n'a pas été suivie d'effet comme les jours précédents.

Abdewahid Othmane, un habitant de 53 ans à Khartoum, assure qu'il s'"attendait à ces événements un jour à cause des gens qui aiment trop le pouvoir. Ils se battent pour le pouvoir mais ils ne s'intéressent pas aux pauvres gens qui n'ont ni eau ni électricité et du mal à se nourrir".

Le général Daglo était depuis le putsch d'octobre 2021 le numéro deux du général Burhane. Ce dernier est apparu jeudi pour la première fois depuis le début des hostilités à la télévision d'Etat et s'est adressé à la nation pour l'Aïd, sans jamais mentionner de trêve.

 

- "Notre pays saigne" -

 

"Pour l'Aïd, notre pays saigne: la destruction, la désolation et le bruit des balles ont pris le pas sur la joie", a ajouté le général Burhane. "Nous espérons sortir de cette épreuve plus unis (...) une seule armée, un seul peuple (...) vers un pouvoir civil", a-t-il ajouté. Jusqu'ici, comme son rival, le général Daglo, il n'avait parlé qu'à des médias et ne s'était pas adressé directement aux 45 millions de Soudanais.

Après une réunion avec le président l'Union africaine et d'autres dirigeants internationaux, "tous convaincus qu'une trêve est urgente", M. Blinken a appelé les deux généraux rivaux pour tenter une nouvelle fois de négocier une pause dans les combats, principalement concentrés à Khartoum et au Darfour (ouest).

 

Au même moment, les Etats-Unis annonçaient dépêcher des militaires dans la région pour faciliter une éventuelle évacuation de leur ambassade, alors que l'aéroport est fermé depuis samedi et que les chancelleries appellent leurs ressortissants à se signaler tout en évitant tout déplacement.

Le réseau téléphonique, lui, ne fonctionne plus que par intermittence. Femmes et enfants majoritairement se pressent sur les routes pour fuir, entre points de contrôles et cadavres.

La lutte de pouvoir latente depuis des semaines entre les deux généraux s'est transformée en bataille rangée, entraînant la fuite de nombreux civils à l'étranger: 10.000 à 20.000 personnes, surtout des femmes et des enfants, sont passés au Tchad voisin, selon l'ONU.

- Militaires américains déployés -

 

Les deux côtés multiplent les annonces de victoire et s'accusent mutuellement, des affirmations impossibles à vérifier sur le terrain tant le danger est permanent.

L'armée de l'air, qui vise les FSR disséminées dans les zones résidentielles, n'hésite pas à larguer des bombes, parfois au-dessus d'hôpitaux, ont témoigné des médecins.

"70% des 74 hôpitaux de Khartoum et des zones touchées par les combats ont été mis hors d'usage", selon leur syndicat: bombardés, ils n'ont plus aucun stock pour opérer ou bien des combattants en ont pris le contrôle, chassant médecins et blessés.

Les humanitaires ont pour la plupart été forcés de suspendre leur aide après que trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués.

 

"Ni Burhane ni Daglo n'ont l'air de vouloir céder, la situation pourrait encore empirer", prévient déjà le centre de recherche International Crisis Group (ICG).

"Un conflit de longue durée serait la ruine du Soudan", le troisième producteur d'or d'Afrique et pourtant l'un des pays les plus pauvres du monde où plus du tiers de la population a faim, ajoute ICG.

"Même si l'armée reprend finalement la capitale et que Daglo se retire au Darfour, une guerre civile peut tout à fait s'ensuivre", poursuit le centre.

Et avec elle, "une possible déstabilisation du Tchad, de la Centrafrique, de la Libye et du Soudan du Sud déjà touchés à des échelles diverses par la violence".

A l'autre extrémité du pays, sur la côte, des dizaines de manifestants ont défilé à Port-Soudan contre ce qu'une banderole décrivait comme "la présence de l'ambassadeur des Emirats arabes unis dans l'est du Soudan". "Non à l'ingérence étrangère", était-il encore écrit.

bur/bfi/

 

© Agence France-Presse


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